Les jeunes champions, loin des dérives du tennis business

Tournoi international majeur pour les 12-14 ans, les « Petits As » de Tarbes s’achèvent ce week-end. Entraîneurs et joueurs commentent avec lucidité mais sans catastrophisme les récents scandales dans leur discipline.

Les mêmes tics que les grands. Le poing rajeur pour ponctuer le point gagnant. Le regard vers les gradins pour quêter l’assentiment du coach. Les yeux au ciel et la grimace exaspérée quand, au contraire, « ça ne passe pas ».Les champions miniatures qui s’affrontent jusqu’à dimanche sur le tournoi des « Petits As » de Tarbes le jouent très, très au sérieux. Normal. La compétition est un des trois rendez-vous mondiaux majeurs pour leur catégorie d’âge (12-14 ans), avec le Teen Tennis de Bolton en Angleterre et l’Orange Bowl aux Etats-Unis. Alors il ne s’agit pas de bouder son plaisir ou de galvauder sa participation.

Faut-il du coup leur plomber le moral, à ces enfants de la balle jaune, en évoquant les scandales du dopage et des paris truqués qui depuis quelques semaines rattrapent leur discipline ? « Disons que c’est notre rôle d’éducateur d’aborder le sujet, n’élude pas Bruce Liaud, entraîneur au centre national de Poitiers, l’unique structure en France  regroupant les espoirs masculins de moins de 15 ans. Ils baignent dans une actualité difficile, et de toute façon nous posent des questions. Alors, on explique en cherchant l’équilibre : les avertir de ce qu’ils peuvent recontrer,  mais en faisant attention à ne pas tuer le rêve indispensable à leur âge ».

Le business du tennis, ce n’est de toute façon pas pour tout de suite, même si les équipementiers sont, déjà sur le coup et les agents en répérage aux Petits As. Depuis dix ans, des contrôles antidopage inopinés sont aussi organisés pendant la compétition, sans mauvaise surprise pour l’heure. « Nous prenons en charge les enfants de plus en plus tôt, dès l’âge de 8 ans, mais ils ne sont confrontés qu’à certaines réalités du circuit que vers 16-17 ans, souligne Patrick Labazuy, lui aussi entraîneur national à Poitiers. Nous se faisons pas dans le positivisme bébête. Mais nous ne devons pas non plus entamer leur enthousiasme par des craintes excessives. » Ce qui n’empêche pas Patrick Labazuy de s’inquiéter de l’image dégradée de son sport, « qui risque de freiner les parents au moment de nous confier leur progéniture ».

La peur de lancer son enfant dans un univers affolant ? Karim Djoubri relativise. Il suit et entraîne sa fille Salma, 13 ans, une des meilleures Française de sa catégorie, et s’applique à une lucidité tranquille. « J’essaye de lui fournir des réponses simples, pour lui laisser le temps de grandir, résume-t-il. Les paris truqués ? Je lui explique qu’une interdiction totale sur les sports individuels supprimerait les dérives. Qu’il existe des choses bien plus graves. Je ne veux pas rester sur une vision négative alors qu’elle s’épanouit pour l’instant avec un entourage équilibré, ouvert au dialogue. Les gamins, d’ailleurs, nous donnent souvent une leçon d’optimisme. »

Que disent-t-ils, au fait, les champions en herbe ? Qu’il en faut plus pour éteindre leur passion réjouissante. « Je pensais vraiment que le tennis était plus à l’abri que le foot par exemple, commente la jeune Salma. Mais en fait, rien n’est protégé aujourd’hui. Cependant, je me sens plus que chanceuse d’évoluer dans cet univers. J’ai beaucoup voyagé cette année, en Croatie, en Lituanie, en Allemagne, en Angleterre. C’est formidable. »  A 14 ans, le Français Harold Mayot, vainqueur du dernier Teen Tennis de Bolton et à qui l’on promet un bien bel avenir, fait preuve d’une maturité sidérante. « Même à mon âge, on commence à se faire sa propre idée du monde, grâce effectivement à nos voyages, aux rencontres multiples. Et l’image qui se dégage est souvent moins dépressive que celle dont parlent parfois les adultes. Franchement, tout n’est pas si pourri que ça. »

Jean-Luc Ferré – Correspondant régional – LA CROIX – Edition du samedi 29, dimanche 30 janvier 2016.

Photo Ch. Jarno : « Harold Payot, 14 ans, l’un des espoirs des « Petits As ».

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